Les ombres dansent sur les corps décharnés de tes rêves. Ils t’enlacent, t’agrippent et t’emprisonnent aux chaînes du désespoir. Bientôt ton âme s’y abandonnera, pour ne jamais s’en défaire. Bienvenue chez nous, tu es déjà mort.
Je décidais de la saisir par le bras. Je l'entraînais avec moi dans une course effrénée, sans me retourner ; de peur de voir un visage me fixer silencieusement, sous le choc d'une telle aberration ; mais elle ne se débattait guère plus… Était-ce la délivrance de ce lourd poids compressant jadis ma poitrine qui l'empêchait de crier ? Mais quel importance avait-ce ? Puisque tout ça était fini… Je n'avais jamais autant couru et si vite de toute ma vie… Par quel miracle, avec quelle force…bien que mes poumons crachaient un souffle irrégulier et bientôt inexistant, mon cœur et mon corps, eux, auraient encore pu supporter le monde. Sa main dans la mienne, j'aurais voulu courir comme ça pour toujours… bousculant tout obstacle, je nous frayer un chemin vers la délivrance. Le contact de sa peau donnait ardeur à chacun de mes pas, et jamais, au grand jamais, je n’avais senti une telle chose. Mais j'étais sous l'emprise de la fatigue aussi bien mentale que physique.
Depuis notre seconde rencontre, si l’on peut parler de rencontre, j’avais perdu goût à toute choses. Ce lycée, qui m’était plus unfoyer que ma propre demeure, avait perdu sa chaleur d’en temps. Et je délaissais mes amis, morne de toute relation, ce monde avait perdu le peu de couleurs qui lui restait. Seule lueur dans ces ténèbres, l’espoir d’être de nouveau à ses côté était devenu mon unique raison d’exister.Jusqu’au soir où, m'allongant éreinté de vivre, cela recommença ; sans le moindre effort, le sommeil vint me prendre telle la mort vient prendre un homme, son heure venue.
Mon corps se mit a convulsé, les battements s’intensifiaient, la douleur… et quelle douleur. Le contact entre mes genoux rudes et ces draps tendus… quel frottement insupportable. J'étouffais, la gorge sèche… J'entrouvrais un œil et me réveillais doucement. J'étais dans mon lit, les draps tachés de sang. Mais alors que le mal était toujours présent en moi, je ne pouvais m’arrêter de sourire. Ces images déroutantes n’empêchaient rien a ce rictus rétif. Pourquoi ce sentiment de joie malgré le goût salé de mes larmes? Le souffle court, trempé de sueur et blessé, je savais. J'allais, non, je devais empêcher cela à tout prix.
Je me réveillai en sueur, avec un hématome bleu à la hanche. Ce rêve étrange hantait désormais mes pensées. Le lendemain, je décidais de le confier à mon meilleur ami. Fin critique et passionné des mystères de notre terre, mais très septique, Xavier. Celui-ci pencha plus pour une lourde fatigue, ou un choc émotionnel, qu’à une quelconque transposition corporelle comme je l’eu crû. Mais alors que je m'apprêtais à approfondir le sujet, en allant en classe de Biologie, je percutais quelqu’un avec fracas.Elle était là, étendue par terre, étourdie par la chute. Ses long cheveux bruns tombant sur ses épaules fluettes, portaient un sac en bandoulière. Elle me fixé avec ses yeux d’un noir mystérieux, scrutant mon âme dans toute sa stupéfaction. Ses fines lèvres roses révélaient par son tin opalin s’ouvrit et je reconnus les mots qu’elle prononçait et qui jadis furent les miens : « Surtout, ne t'excuse pas!!! ».